Changement d’heure en heure
Savons-nous encore pourquoi nous acceptons sans réfléchir de changer d’heure ? Quelle autorité supérieure nous inflige cette valse des aiguilles au prétexte qu’avancer ou reculer le temps nous ferait faire des économies d’énergie ? Dans cette intime qui résonne au rythme inlassable d’un pouls mécanique, l’Europe se joue des cadrans solaires pour imposer son temps bureaucratique. Une manie de technocrate désireux de rompre la monotonie des couloirs de Bruxelles !
Profitons de cette imposture temporelle pour saisir l’évènement avant qu’il arrive. Imaginons ces hommes outre atlantique écoutant avec une heure d’avance la chancelière allemande ou le Président français et les rappelant pour leur dire qu’il n’est pas opportun de déclencher une nouvelle opération au Mali ou qu’il est inutile d’appeler une entreprise chinoise pour sauver le groupe PSA … Les conseillers de la CIA ayant déjà appelé pour la menacer de représailles économiques.
Un procédé qui rappellerait le direct en télévision avec ce petit décalé de quelques secondes pour pouvoir couper les prises illégales d’antenne. On nous le dit, il ne sera pas 8 heures, mais toujours 7 heures au matin. Que deviendra cette heure confisquée jusqu’à sa libération au printemps prochain et de quoi sera-t-elle constituée ?
Y aura-t-il eu des millions d’informations qui ne se révéleront qu’au prochain changement d’heure. Un train a-t-il déraillé sans que nous en ayons pris connaissance .Un Tsunami a-t-il de nouveau anéanti Fukushima ? Des taxes ont-elles été votées à la sauvette sur les bancs de l’Assemblée nationale ? Comment ferions-nous aujourd’hui dans ce flux tendu d’information si une heure échappait à notre perception. Le pape aurait été assassiné et nous l’apprendrions que quelques mois plus tard ? La faute au changement d’heure qui nous met en retenue ces 60 longues minutes.
Le temps du premier pas sur la lune, de l’assassinat de Kennedy, de l’arrestation de DSK, de la naissance d’une future victime d’un naufrage en méditerranée. Alors puisque l’on nous fait cadeau d’une heure de vie en plus avant de nous la reprendre, savourons ce temps pour lire ce petit poème de Jean Tardieu « il n’ya/aucun lieu /ici/ni ailleurs/ici n’existe pas/Ailleurs n’est pas/Nous n’avons rien/à chercher/Attendre est vain/il faut habiter le temps/multiple/lui ressembler.
Igor Deperraz