Torreben à l’écotaxe
La Nationale 12 (286 avant 2006) est devenue le théâtre de manifestations sanglantes. Reprenant le nom des célèbres révoltes paysannes, les opposants à l’écotaxe sont passés à l’action violente en faisant tomber un à un les portiques qui fleurissent sur l’axe qui relie depuis le XVII siècle Paris à Brest. Ces installations sont conçues pour collecter par vidéo surveillance l’impôt destiné à financer la transition énergétique et ne cible pas la Bretagne en particulier; cette région bénéficiant d’un régime dérogatoire.
La révolte ancestrale des bonnets rouges intervenait quand à elle dans un contexte très particulier. Ce mouvement populaire largement conduit par les femmes s’opposait à la fin d’un privilège octroyé en vertu du rattachement de la Bretagne à la France en 1673 ; on ne peut lui trouver d’autres similitudes. Les libertés bretonnes ne sont pas à ce jour menacées par la taxation de cet axe autoroutier par ailleurs gratuit. L’écotaxe est une nécessité écologique qui n’a comme principal défaut de ne concerner que le transport routier. L’universalité de la taxe aurait donné une réelle signification à ce radar à énergie fossile. Il favoriserait le covoiturage et réduirait considérablement les déplacements des automobilistes. Réparti sur l’ensemble du parc des véhicules en circulation, son coût aurait été négligeable pour les transporteurs routiers et de par son universalité incontestable.
La crise bretonne ne naît pas de cette fiscalité écologique. Comme le démontre Nicole Pénicaut dans « la complainte du cochon breton » (nouvel obs2228) jamais la crise n’a été si rude. La filière porcine est au désespoir de ne pouvoir faire vivre dignement ses 7000 éleveurs et ses 14 abattoirs alors même qu’il ne manque de débouchés ni en France ni à l’export ». Les éleveurs bretons se sentiraient-ils contrits par l’étendue des dégâts qu’ils ont occasionnée à la terre bretonne pour s’en prendre aux symboles du rachat de leurs péchés ? La nationale 12 aura vu les forçats de la chaîne envoyés à l’Arsenal de Brest, elle voit aujourd’hui les nouveaux forçats de l’industrie alimentaire envoyés au casse-pipe pour ne pas dire casse-pylônes.
Igor Deperraz