RAS et RAS
Gérard de Villiers ne restera pas dans l’histoire littéraire pour n’être qu’un simple agent du SDEC chargé d’écrire des livres de désinformation, il restera aussi pour avoir écrit avec son altesse sérénissime le prince Malko , la série la plus populaire de la grande époque du roman de gare. SAS sent bon l’homme viril, le combattant infaillible des guerres coloniales et du SAC.
Entre le SDEC et le journal d’extrême droite Rivarol, Gérard de Villier exprime à lui tout seul l’histoire politique des services secrets. Bien avant l’heure, l’écrivain populaire a incarné les « valeurs » de la droite forte et musclée dans un style plutôt « brut de décoffrage ».
On s’étonnait que ses livres soient aussi bien documentés, la réalité se nichait dans les couloirs des barbouzes de la République. Des anciens de normale sup en mal du pays lexical !
Le fonctionnaire qui a trouvé l’idée d’utiliser un écrivain populaire pour véhiculer ses informations top secret avait eu un coup de génie et peut aujourd’hui se considérer comme un grand éditeur. L’époque était à la lecture et surtout à la lecture populaire. Il en serait différent aujourd’hui où l’on aperçoit nos brillants agents du SDEC aiguillonner les scénarios de films. La lecture ne représente plus un enjeu idéologique .Elle n’est donc plus la cible de l’intoxication publique.
Les services de renseignement et leur conception de la désinformation nous en apprennent plus sur nous-mêmes et notre perméabilité aux nouveaux supports d’information que toutes les études stigmatisant la baisse du niveau de lecture.
Le SDEC aura à sa façon, jouée un temps aux professeurs de français, une sorte de littérature de la subvention et de la subversion. Un exercice qui s’éteint avec la baisse de popularité du roman de Gare.
Igor Deperraz