L’image manquante ou j’irai cracher sur la tombe de Jacques Vergès
L’image manquante sort sur les écrans, ce film de Rithy Panh a obtenu le prix de la section « un certain regard à Cannes », il méritait la Palme d’or… L’image manquante n’est pas qu’un simple documentaire sur le génocide cambodgien, il raconte une histoire sans images sur ce qui s’est passé sous l’emprise de Pol Pot.
Celui que Jacques Vergès aimait décrire comme « Un jeune homme qui aimait Rimbaud et qui n’était pas dénué d’un certain sens de l’humour » a programmé et organisé la mort par famine et travail forcé d’au moins 2 millions de personnes. Ce film sur la mémoire reconstitue à base de quelques images sauvées des flammes et de l’oubli, les 4 ans de camps de concentration post-Buchenwald.
Des petites figurines peintes reconstituent la vie et la mort dans cet étrange îlot concentrationnaire des années 70. La force de Rithy Panh est de montrer sans que l’on ait à voir, mais à penser. Comment un nouvel Auswitch a pu se développer avec la complicité des intellectuels occidentaux dont Jacques Vergès n’est que le piètre représentant « Il n’y a pas eu de génocide au Cambodge, ces chiffres sont exagérés… ».
Difficile dans ces conditions de ne pas voir dans ce film toute la tragédie humaine qui découla des grandes utopies du Parti communiste français. Étienne Fajon, membre du comité central déclara à propos de Pol Pot « le plus grand génie de tous les temps » il faut écouter attentivement le récit de Rithy Panh pour ne pas se sentir gêner devant la confusion idéologique d’une certaine gauche avec les bourreaux khmers de l’idéal communiste.
Ce film n’apporte pas que des réponses et des questions philosophiques sur l’idéal révolutionnaire, il explore une autre forme de cinéma à l’heure où la profusion d’informations sature les fonctions cognitives du spectateur. Par un savant mélange de parole, de figurines et d’images répétitives, il ouvre de nouveaux champs cinématographiques. L’image manquante fera date dans l’histoire du cinéma pour ceux qui se donnent encore la peine d’aller chercher au plus profond d’eux même une réflexion soutenue.
Igor Deperraz