Gueule d’arabe,
Tarik a 23 ans, « une tête d’arabe » et surtout, il sort de prison. Sortir ou y entrer lui est presque devenue naturel. Il enchaîne depuis son adolescence les vols, les violences après avoir reçu les coups et les humiliations d’un beau père sans scrupule. La prison, c’est devenu au fil du temps, une sorte d’internat dans lequel il a pris ses marques et ses repères à la force de ses poings. « Il faut se faire respecter ». Cette phrase qu’il répète inlassablement symbolise à elle toute seule la pédagogie carcérale : la survie. « Dans une cellule tu as 4 gars, trois sont sur des lits les uns au-dessus des autres et un sur un matelas par terre. Le dernier arrivé est sur le matelas et puis au fur à mesure des départs tu montes d’un étage, le gars qui est sur le matelas, il est réveillé toute la nuit par ceux qui descendent, si t’as un gars méchant qui arrive, y va prendre la couchette du haut alors là il faut que tu cognes pour garder ta place ».
Tarik est marqué comme s’il avait 60 ans, des dents en moins, des cernes, un visage affûté par le temps « le plus dur en prison, c’est l’attente, tu t’inscris pour une dent qui te fait mal et tu passes quand ton tour arrive et c’est les surveillants qui décident… alors souvent tu finis à l’hôpital, et il t’arrache plusieurs dents ». Les conditions sanitaires sont souvent déplorables « normalement, quand t’arrives, il y a un nouveau matelas, mais dès fois il arrive que tu prennes un matelas qui est rempli de pisse, les tuyaux sont rouillés et tu croises des rats ». La vétusté de certaines prisons n’est plus à démontrer, mais c’est surtout le comportement de certains surveillants qui peut être discutable « ils rentrent à plusieurs dans la cellule avec des gants en cuir, et ils te disent allez frappe moi, frappe et là si tu lèves ta main, tu t’en prends plein… ».
Cette vie de taulard Tarik l’a bien intégré, il pense y revenir. « Pourquoi payer quelque chose dans un magasin, tu n’as qu’à te servir ! “Tout ce qui fait le vivre ensemble n’est pas partagé ‘Mon beau père, si je le retrouve, je le défonce grave’. Ce monde qu’il s’est construit ne peut plus le séparer de la case prison. Il n’en veut pas à la société et ne se bagarre ‘qu’avec les gars de son milieu ‘. Jamais il ne volera le portefeuille d’une vieille dame ou le portable d’un passant, sa violence est toute tournée sur le milieu et les gardiens de prison. Un cercle vicieux qui ne prendra fin que lorsqu’on sortira enfin de la logique de l’enfermement. Ce qui manque aujourd’hui à Tarik, c’est tout simplement une éducation et plus simplement quand il retournera en prison, un mandat de 20 euros pour se payer ses clopes.
Igor Deperraz