Athènes sans Platon
Cette année, Athènes accueille le grand rendez-vous quinquennal de la Philosophie au théâtre antique d’Hérode. Aristote et Platon veillent avec méthode et précision sur les discussions des philosophes de tous les horizons, venus s’entretenir en toute quiétude de la Sagesse de ce monde. Paradoxe frappant entre la débâcle de la société politique grecque et la vitalité de cette discipline à travers le monde. La philosophie reste pour les nostalgiques la matière noble par excellence. Les concepts aussi abstraits soient-ils peuvent d’un coup de baguette magique se propager à travers le monde éthéré des idées sans que l’on y prenne garde. Quelle pensée s’imposera donc demain et quelle perception nouvelle de la cité se dégagera ? Le thème cette année portait sur la philosophie comme mode de vie. Deux stars honoraient de leur présence la colline de Pnyx, Umberto Ecco et Jürgen Habermas. 2000 participants plongés dans la République de Platon cherchant l’issue de secours de la caverne à la lueur de leur carte de crédit. N’oublions pas que Platon et sa République redeviennent en cette période de doute la grande référence du petit cercle des philosophes disparus. Précurseur de la société de l’image et de la virtualité omniprésente, le philosophe grec fut aussi le premier « bizness man » à proposer une Ecole de formation à la science des idées ! Le grand mythe d’une société arbitrée et gouvernée par des sages formés dans une grande école prenait racine sur la colline grecque. Ecole des mines, normal sup, Ena ne sont que les héritiers du père fondateur. Cette grande messe pouvait elle dégager l’importance de la réflexion philosophique dans le discours public ? Non ! La philosophie n’exerce plus sur le politique le moindre petit effet secondaire. Les grands esprits ont laissé place aujourd’hui au pragmatisme et à la réal politik. Umberto Ecco, avec tout le talent que l’on lui connait est devenu Maitre en ce domaine et manie avec brio les concepts et le bizness. Peut-être, est-ce cette réal philosophie qui troublera la paix des troupeaux de chèvres contemplés par quelques nostalgiques d’une époque où le verbe était libre de droit.
Igor Deperraz