Le compartiment des barbus
Dans ce compartiment, il n’y a que des hommes, en majorité barbus, ce n’est pas que porter la barbe permette de passer inaperçu, non je crois que tous ces messieurs ont la certitude que le poil rapproche de Dieu. À l’autre bout du train des femmes sous leurs voiles parsemés de dessous explosifs qui n’osent plus lever la tête, mais ont encore la force de jacasser. C’est au final me dis je une bonne idée d’avoir fait des compartiments réservés aux femmes ,une idée qui nous maintient dans un silence presque pesant, mais combien reposant.
Mon voisin vient d’une banlieue française. Jeune, beau garçon, il a les yeux de la jeunesse. Depuis un bon moment, il récite des sourates comme ces anciens groupes de rap qui marmonnaient quelques mots chatouillant accompagnés par un rythme obsessionnel. Il lève la tête et me demande avec une grande courtoisie ce que je pense de la position russe à la tribune des Nations unies. Son Président a présenté une résolution à l’ONU pour donner à l’État islamique, les États associés islamiques pour être plus précis un siège permanent. La Russie ne sait plus très bien s’il elle doit convertir son peuple à l’islam à la manière de Staline ou continuer à jouer la carte diplomatique pour maintenir un statu quo sur ses territoires contrôlés spirituellement par les grands barbus.
Je lui réponds en éludant la question, et en détournant la tête. Sur le quai une femme passe sous son beau voile de soie noire, on ne lui voit ni la tête ni les yeux, seule une ligne courbe laisse devinée une forme de vie perceptible et tenace. Mon train part avec une minute de retard sous un épais nuage de fumée noire. L’odeur du charbon me colle aux lèvres, ça y est, j’y vais enfin vers ce paradis aux mille vierges à suivre
Igor deperraz