Do a barrel roll
La procédure complexe que l’on peut soumettre au moteur de recherche Google pour effacer son passé exclut de cette démarche les gens célèbres et tout ce qui ne nuit pas à la personne .Très peu d’internautes pourront faire disparaître leur passé parmi les 30 000 milliards d’URL répertoriés. Cette procédure d’amnésie collective répond symboliquement aux autorités européennes et devrait théoriquement éviter aux internautes indélicats les suicides liés aux images sexuelles ou dégradantes transmises à leur insu via les réseaux sociaux.
70 pour cent des recherches sont faites sur Google. Elles sont limitées à 32 mots et faites dans la logique des « Pagerank ». Un classement en fonction de la popularité du document. Google, nom donné en référence au nombre gogol, puissance cent de dix est la mémoire individuelle et collective d’une partie de l’humanité.
Pouvoir effacer, à l’image d’un casier judiciaire de la mémoire est une opération dangereuse pour l’humanité comme pourrait l’être l’incendie d’une bibliothèque. Aujourd’hui Google efface sur requête les broutilles du quotidien, mais quand serait-il si le site effaçait lors des prochaines élections présidentielles tout le passé judiciaire de Nicolas Sarkosy. Les électeurs en tapant le nom de l’ancien président ne tomberait plus sur une page détournée d’Iznogood, mais sur une page de propagande.
Si l’on est devenu collectivement captif des doodles de Denis Hwang et de Wikipédia, c’est que nous avons établi un lien mental nous délestant de la corvée de l’apprentissage du par cœur. En effaçant à la demande le passé, Google abandonne l’universalité de l’histoire pour une privatisation du réel. DSK ne sera bientôt plus l’homme arrêté au Sofitel de New York pour un viol supposé, mais reviendra en saint homme de l’économie. Des sites spécialisés proposent déjà de faire franchir la barre des mille résultats accessibles pour balayer les exploits passés de nos hommes politiques.
Cette mémoire collective, qui exclut les sites professionnels devrait être conservé à l’ONU pour que les générations à venir puissent écrire l’histoire avec plus de fidélité. Que serait Nicolas Sarkozy dans cent ans si l’on gommait de son histoire les affaires….Pour se distraire de la lecture de ce fastidieux plaidoyer pour la mémoire, tapez « do a barrel roll »
Igor Deperraz