De quelle Presse est-on la semaine ?
La semaine de la presse s’ouvre dans un contexte de baisse des ventes généralisées et d’une révolution numérique en devenir. De quelle Presse est-on la semaine ? Il aurait été plus judicieux d’intituler cette initiative en direction des scolaires : Semaines des presses, mais il y a toujours ce temps de retard inévitable entre l’évolution des techniques et la révolution des esprits !
Hasard du calendrier où concomitance des dates, la respectable BNF ouvre le 27 mars ses portes à l’exposition « Guy Debord Un art de la guerre ». L’homme qui théorisa si bien la société du spectacle en 1967 devient en ce début du 21, le philosophe des médias par excellence. De 1958 à 1969 parut le bulletin central édité par l’Internationale situationniste dont Guy Debord fut le mentor. Si les numéros de cette revue sont dans la lignée de Planète de Pauwels dont l’I.S. titra à son sujet « Si vous lisez Planète à haute voix vous sentirez mauvais de la bouche », ils diffèrent par un contenu libre et ouvert à toutes les situations.
Précurseur de la presse en ligne, le préambule ne laisse aucun doute sur les intentions des journalistes situationnistes « Tous les textes publiés dans l’internationale situationniste peuvent être librement reproduits, traduits ou adaptés même sans indication d’origine “. On peut donc tout faire dire à Guy Debord , ce qu’il a écrit et ce que l’on peut sur-écrire . Dans le conflit qui l’opposa à Claude Gallimard, on peut s’imprégner du style de la revue ‘fils raté de votre père, vous ne serez pas surpris de trouver dans la génération suivante une débilité aggravée’. Mais réduire Debord au chahut des mots serait passé à côté d’une pensée critique qui posa avec lucidité les bases critiques du rôle de la Presse et des médias dans notre société du temps libre « Si le temps du travail productif proprement dit se réduit, l’armée de réserve de la vie industrielle va travailler dans la consommation. L’organisation de la consommation, plus l’organisation des loisirs doit équilibrer exactement l’organisation du travail. Le temps libre est une mesure ironique dans le cours d’un temps préfabriqué ». Un temps libre qui devrait nous inciter à lire plus de journaux, mais qui pourtant nous emprisonne dans la soudaineté de l’image.
P.H. Simon écrivait le 14 février 1968 dans le très sérieux journal Le Monde « C’est le ton qui fait la chanson, et la violence négative et provocante des formules, plus cynique chez Vaneigem et plus glacée chez Debord , ne laisse rien debout de ce que les époques antérieures ont produit, si ce n’est Sade, Lautréamont et Dada …nos futurs Saint-Just en blouson noir, qui s’annoncent comme les porteurs d’une nouvelle innocence ,d’une nouvelle grâce de vivre, nous aurons au moins avertis : la civilisation ludiste des ‘maîtres sans esclaves ‘devra se résigner à sécréter ses commissaires ; et l’heureuse nouvelle de la suppression des tribunaux ne signifiera pas ,hélas ! la fin des exécutions » Cette civilisation ludiste est elle justement celle du Web .2. Celle qui ‘affranchit de son maître, la Presse papier ?
Igor Deperraz