Dans le brouillon de mes maux antonymes
En regardant les images de manifestants tapants à coup de pied sur des barrières de sécurité et libérant contre les forces de l’ordre une haine et une brutalité bestiale, on ressentait un profond malaise sur le devenir du vivre ensemble dans une société où l’image fait sens et verbe.
Libérer sa rage et sa fureur sans l’exprimer avec des mots alignés dans un ordre logique et établi est une trajectoire insurrectionnelle qui trouve écho dans toutes les grandes Jacqueries et révolutions qui parsèment l’histoire du Monde.
Ces mots qui s’entrelacent ne trouvent pas toujours leur place dans le fil fragile de la pensée. Des mots que l’on voudrait porteurs de revendications politiques se bousculent dans le sens des affects et des antonymes.
La pauvreté de nos sociétés, libérée de l’écrit par cette incontournable vérité visuelle nous éloigne de la simple communication verbale. Elle nous pousse vers l’impulsive contribution du poing et du coup de pied. Crier dans la nuit son désespoir face à un Corpus normé habille ses hommes du désespoir de la lutte à main nue.
Des images d’une violence inouïe se passent de commentaire et d’analyse. Elles se déroulent sous nos yeux sans que nous ne trouvions de réponse autre que l’éternel chaos des réprimandes. De cette difficulté à formuler et aligner des marqueurs textuels naissent des formes d’incompréhension mutuelles qui nourrissent les plus obscurs desseins politiques.
La bête immonde se réveille et gronde au cœur des manifestants engagés dans le combat invisible du bien et du mal. Les révoltes qui essaiment sur les territoires de la vieille Europe révèlent le manque de cohésion linguistique. Nous avons séparé les territoires en reléguant dans les banlieues ou des zones rurales des îlots d’humiliation et de fait, nous récoltons aujourd’hui le fruit de ce grand malentendu textuel.
Nous faut- il engager la discussion en esperanto avec les exclus linguistiques et économiques de la République ?
Igor Deperraz