Mes souvenirs de Mai 1968
J’étais au CP en 1968, bien loin de la Rue de Lille ..Des lunettes à écailles et une blouse marron en nylon. On travaillait le samedi après midi et dans la classe ,il n’y avait que des garçons. Je pensais que les filles n’existaient pas .Ma maitresse de CP nous apprenait à lire avec une règle en bois qui s’abattait sur nos doigts lorsque nous faisions une tache d’encre.
Cette règle en bois ,d’un chêne dur et veiné, elle me l’a donné lorsqu’elle a pris sa retraite en juin. Je l’ai toujours et je crois bien que c’est parce qu’elle savait manier la baguette que j’ai appris à écrire les pleins et déliés avec finesse. Lorsque les événements ont atteint ma classe ,c’était pour ne plus y aller et pour dire adieu aux pleins et déliés ,le porte-plume était devenu obsolète …place au stylo BIC et à son écriture de m..…
Grève !
Alors que ma vie n’était faite que de belles images d’animaux et de cubes de Mickey ,je me suis retrouvé tout seul dans la rue ! J’allais découvrir que mes parents avaient des activités politiques en passant sur les genoux des futurs dirigeants de cette France moderne .C’est donc avec moult promesses de glaces que je marchais dans les cortèges en regardant sur les épaules des uns et des autres ce Nouveau Monde en mouvement . Le soir venu et son cortège de réunions et votes ,il fallait bien me garder et c’est chez de charmantes jeunes filles aux cheveux serrées par un bandeau que mon imaginaire se promenait .
De 1968 ,c’est de ces jeunes filles, très légèrement vêtues qui écoutaient dans leur chambre sur un tourne-disque de la musique que je me souviens .Je me souviens aussi qu’il fallait bien un moment aller se coucher pendant que le reste de la troupe continuait de savourer cette liberté .
La musique et les femmes commençaient à coloniser cette terre .
Igor Deperraz