Les toilettes sèches,
Les toilettes sèches de Patricia, on y va comme à la messe, par devoir et surtout par nécessité. Au fond du jardin, lovés dans une petite cabane de fortune, ils ont le charme de ces endroits qui font le goût sucré de la campagne. Si le vent vient à souffler, la porte s’entrouvre d’un coup sec, vous laissant seul et penaud devant l’immensité de la forêt.
Accroché à un vieux croc de boucher, une page du journal de la veille attend son tour. L’éditorial vient souvent à manquer mais comme l’électricité y fait défaut il serait illusoire de pouvoir y lire sérieusement des nouvelles fraiches. Un seau de sciure et de cendre à moitié plein, laissa une vieille pelle en bois se glisser entre ses copeaux. C’est le moment le plus technique, mais aussi le plus écologique. Le geste de recouvrement.
Les toilettes sèches de Patricia, on y vient aussi parce que l’on y est invité. C’est ainsi que l’on peut y croiser Jean Luc Mélenchon très tôt le matin. Le seul à emporter du papier bible avec lui par coquetterie. Jérôme Cahuzac avec des billets de banque suisse. François Copé avec un peu de sciure dans ses poches. François Hollande aime aussi y prendre son temps pendant qu’à la porte en bois tambourine Manuel Valls. Dans les toilettes sèches de Patricia, on s’organise selon trois temporalités ,le temps réel, celui qui donne un accès immédiat au trou, le temps 24 heures, celui là même qui ouvre droit à une réservation sur un créneau défini et le temps 24, pour les constipés. C’est une touche de modernité qui habille la petite lucarne en forme de cœur creusée au milieu de la porte. Lorsque la planche menace de rompre, un habile menuisier vient réparer avec vieille planche de châtaignier la construction fébrile.
Les toilettes de Patricia, c’est le monde que l’on regarde par la porte entrouverte, avec ses petits travers et ses petites anecdotes. Comme une vieille chanson d’Yves Simon, on y écoute avec soulagement les dernières nouvelles des bords de la Meuse. Les toilettes sèches, c’est une philosophie molle dans une vie dure. Une odeur simple d’Ayrauisme.
Igor Deperraz