Le verrou de Bercy
Le « verrou de Bercy » est aujourd’hui à l’abri de sa mise sous tutelle judiciaire. Ce que l’on nomme verrou de Bercy n’est pas la pièce de métal qui ferme le lourd portail de l’entrée de la forteresse fiscale, mais la faculté pour l’administration de poursuivre ou de ne pas poursuivre un fraudeur.
D’office, le procureur ne peut se saisir d’un dossier , il doit avoir l’aval de la commission des infractions fiscales. En 2012, seules 904 condamnations furent prononcées par les tribunaux, le reste étant négocié à l’amiable. Ce pouvoir régalien participerait selon les hauts fonctionnaires aux rentrées d'argent à hauteur des 18 milliards récupérés. La philosophie affichée sous tous les gouvernements est qu’il vaut mieux encaisser 18 milliards que nourrir et blanchir 18 taulards. Quoique depuis 2008 le délit de blanchiment permet au procureur d’engager des poursuites sans l’aval de la commission.
C’est dans ce paradis fiscal qui ne porte pas son nom que Jérôme Cahuzac et Éric Woerth ont pu jouer les grooms d’ascenseur. Bien entendu, cette clémence ne s’applique pas aux petits entrepreneurs ou aux restaurateurs qui ont oublié de déclarer quelques sandwiches au pâté.
Le citoyen lambda n’est pas logé à la même enseigne ! On peut donc expliquer la grogne fiscale par la révolte des exclus du verrou de Bercy. L’affaire Cahuzac-Woerth a monté les Français contre l’impôt.
La légèreté presque puérile du ministre des Finances et sa volonté de ne pas amender cette prérogative régalienne sont des fautes politiques graves qui perpétuent la lettre de cachet d’ancien régime. La Morale politique ne peut être soumise aux pouvoirs de l’Argent. La nouvelle bastille de Bercy cautionne depuis l’affaire indigne Cahuzac un déni de démocratie et un Watergate fiscal qui n’a pas fini d’empoisonner les rapports entre les contribuables et l’administration fiscale.
Igor Deperraz