Le Télécran politique
L’inventeur français, André Cassagnes vient de disparaître en laissant derrière lui la première tablette écologique de l’histoire : le télécran . La poudre d’aluminium qui s’efface a bel et bien ouvert la voie aux encres électroniques. On peut y dessiner comme sur un pad, mais aussi y écrire. Pour les plus habiles, l’écriture d’un texte oblige à une parfaite coordination entre molette gauche et molette droite. Mais les ressemblances avec les nouvelles technologies ne s’arrêtent pas là. Comme pour les disques durs, l’effacement de l’écran n’est qu’une apparence visuelle, les traces ne s’effaçant vraiment jamais. . Pour dix euros, il est toujours possible de se procurer la tablette allumique qui a vu le jour en 1960. Son succès ne se dément pas.
De nombreux politiques ont excellé dans la manipulation de cet objet culte et certains ont dû former leur personnalité à l’image de cette écriture sympathique. Car le télécran a aussi préparé la civilisation de l’info jetable. On énonce plus une pensée ou une réflexion politique on réagit de plus en plus à l’opinion en donnant si nécessaire un mouvement de va-et-vient sec pour corriger les propos d’hier.
Le petit journal de Yann Barthès s’en est fait une spécialité. Juxtaposer les déclarations du jour avec les précédentes. La démonstration est édifiante. Le discours politique a adopté définitivement le télécran. Un subtil mélange de molette gauche et de molette droite à moins qu’il ne s’agisse d’un mélange de mollesse gauche et de mollesse droite. L’inventeur du télécran ignorait certainement qu’en plus d’un des jouets les plus célèbres du monde, il avait théorisé sur écran la philosophie politique contemporaine.
Igor Deperraz