Les frenchs grenouillent
Il y a bien du chemin parcouru depuis ce fameux été 1936. Un été inoubliable où les Français se ruaient en masse sur les plages de Normandie pour profiter des deux semaines de congé payé votées par le gouvernement de front populaire. Aujourd’hui, la loi sur les trente-cinq heures a considérablement changé les habitudes de prise de temps libre. Les foyers ont profité largement de ce temps fractionné pour partir sur de courts séjours et ont nécessairement pris conscience du décalage qu’il existe entre le temps scolaire, propriété de l’Éducation nationale et le temps professionnel, propriété de la société civile.
Les professionnels du tourisme ont commandé des études qui démontrent qu’il n’y a presque plus de réservation sur de longues durées, mais que les sauts de puce tendent à se généraliser. On peut croiser ces enquêtes avec le récent comportement « grenouille » d’une partie de la population rivée sur météo France. Une prévision à trois jours qui déclenche souvent le top de départ. Les Français partent dorénavant sur de courtes périodes en profitant de ces prévisions météo. Les sites de réservation en lignes des hôtels ont suivi le mouvement en donnant au consommateur la possibilité d’annuler sans frais son séjour quelques heures avant la date de réservation. Si l’ensemble des acteurs économiques a adapté son offre aux évolutions du temps libre, imperturbable, le ministère de l’Éducation nationale n’a pas encore pris la mesure de ce temps à la carte et continue à mal voir une absence d’un enfant pour cause de RTT. Vacances obligatoires et temps non choisi sont toujours à l’affiche du calendrier scolaire.
Dans un contexte de baisse continue du pouvoir d’achat et du tarif à la carte des transports, le système actuel devient une hérésie. Il engorge les gares et les autoroutes au moment des grands départs et implique des infrastructures surdimensionnées et coûteuses. Un système de vacances à la carte ou de RTT pour les élèves redonnerait de la souplesse et éviterait l’effet inflationniste d’une telle inadéquation. Cette individualisation du temps scolaire profiterait aussi aux enseignants dont la faiblesse du pouvoir d’achat n’est plus à démontrer.
Dans le schéma directeur de Vincent Peillon, la diminution des grandes vacances ne permet qu’un relatif alignement du temps scolaire sur la moyenne européenne. Cette position très traditionnelle ne prend pas en compte les nouveaux comportements et a pour conséquence de priver de dessert ses fonctionnaires. En faisant de l’Éducation nationale une administration comme une autre, l’État ferait gagner du pouvoir d’achat aux enseignants et aux usagers du service public. L’individualisation du parcours scolaire prendrait alors tout son sens. Comme la fable de La Fontaine mettant en scène une grenouille
Igor Deperraz