À la Satisfaction des Professeurs
Le métier d’enseignant échappera- il encore longtemps à l’évaluation de son jeune public. Ces petits papiers déposés à l’accueil des hôtels renseignant sur la qualité du service ou le formulaire internet que l’on envoie après l’appel d’un téléconseiller. L’exercice est simple, il s’agit de noter sur une échelle de un à cinq si les attentes du client ont été satisfaites. C’est la culture de l’auto-évaluation de l’établissement qui doit amener les personnels à tendre vers les cent pour cent de satisfaction. La Norvège confie aux syndicats l’élaboration d’un questionnaire élèves pour améliorer les bonnes pratiques pédagogiques.
Cette culture de la satisfaction permet un retour sur investissement de la part des employeurs qui a pour objectif d’optimiser son personnel et de rendre le service auquel il est subordonné à ses usagers. En donnant la parole aux élèves et en prenant en compte les effets marginaux des règlements de compte, on peut dégager un consensus de bonnes pratiques avec un taux de satisfaction élevé à la clef. Un outil intéressant pour l’employeur.
Ce dispositif issu de la grande distribution présente un risque de taille, celui de l’uniformisation des pratiques et la soumission à la dictature du sourire. Une uniformisation des bonnes pratiques qui donnerait un frein à la liberté pédagogique dont jouissent les enseignants français en les obligeant à enseigner l’air du temps avec comme objectif la satisfaction des désirs des apprenants . Une relative servilité qui empêcherait les réprimandes et qui plaiderait pour un consensus politique conventionnel.
Un bon prof enseignerait ce qu’attendent les élèves en prenant soin d’éviter la confrontation du sujet avec ses propres temps d’apprentissage et ses propres représentations. Ce bon prof serait par obligation un prof aimant et aimé du plus grand nombre.
L’enseignement des contenus ne serait plus conditionné à l’effort d’apprendre, mais aux qualités relationnelles. Un prof idéal qui n’existe pas à la hauteur du million de personnes occupé à ce métier. À trop vouloir tout optimiser, on finit par améliorer le service au détriment de la vraie vie, celle des compromis et des aléas temporels.
Éduquer et enseigner passe-t-il toujours par la satisfaction de l’élève ? Un prof de sport aura plutôt intérêt à faire du football toute l’année que d’enseigner la rigueur et les contraintes du rugby. Un tel dispositif aussi séduisant soit –il pour la qualité de l’enseignement aurait pour conséquence le lissage des apprentissages et la dérive démagogique. Le choix entre une école des professeurs ou une école des élèves est une des questions qu’auront à répondre les prochains ministres qui ne manqueront pas d’imposer leur griffe sur une Éducation nationalisée.
Igor Deperraz