Festival de l’image d’Arles ou le culte du regard mondialisé à 24 pixels
L’image numérique de 16 millions de pixels pour les amateurs et les 24 millions et 30 millions pour les professionnels forge aujourd’hui notre regard photographique et cinématographique. Cette révolution du pixel affecte durablement notre façon de voir le monde. Lorsqu’ils inventèrent le Kodachrome en 1935 les deux Léopold Godowsky et Mannes ignoraient que leur invention allait mondialiser la dominante rouge et les dynamiques de 12 stops. Kodachrome a réussi à mondialiser l’œil américain.
Ce traitement soustractif complexe, le K 14 s’est définitivement éteint en 2010 nous laissant orphelin. Un nouvel imaginaire :L' univers asiatique domine aujourd'hui massivement le marché des capteurs. Quelque soit la légende, comme le célèbre Leica, l’image restituée restera désormais sous l’influence colorimétrique de l’Asie du Sud- est. Nous ne percevons plus des couleurs chaudes dominant vers le rouge, mais des couleurs froides.
Cette dualité est perceptible en musique avec la domination du son Yamaha. Depuis 2010 un monopole du goût s'est insidieusement imprimé dans notre nerf optique. A plus de 20 millions de pixels et avec le traitement du bruit numérique, l’appareil phonographie accroche le réel.
On ne peut plus parler de photographie, mais de calque de la réalité .De nuit comme de jour, les images deviennent les esclaves du vrai . Cette révolution aidée par le post-traitement universel du photo shopping a mis au placard en partie les éclairages de studio, les flashs et éclairages soignés pour lui substituer une image sans artefacts.
Nous percevons aujourd’hui la photographie comme une prothèse de l’œil et un prolongement du rêve éveillé. Pour que l’Art photographique et cinématographique imprime de nouveau nos cerveaux agités par la post- réalité visuel, il faudra bien se résoudre, avec la difficulté technique indéniable, à revenir à une plus grande diversité des points de regards .L'oeil kodachrome dopé au K14
Ciels blancs et couleurs aux dominantes bleues ou rouges. Une marche arrière, un retour aux sources pour que la technique aujourd’hui arrivée à maturité n’universalise pas le pixel 24.Pourra-t-on demain parcourir les rues chaudes d’Arles sans les artifices des capteurs Sony ? Lâchera- t-on l’universalité de l’objectif stabilisé 18 -300 à ouverture 2.8 pour les cailloux aux aberrations optiques de Leica ou Zeiss ? Quel regard Arles nous offre de l’Art photographique en dehors des yeux de la mondialisation des outils photographiques.
Igor Deperraz