Des profs et des hommes
La suppression des notes à l’école ne sera pas qu’un simple accessoire politique pour tenter de redonner le goût d’apprendre aux élèves, elle agira de facto sur la gestion des personnels de l’éducation nationale. On ne peut d’un côté défendre son côté négatif sur le développement des élèves et l’appliquer au contrôle des professeurs.
Dans le primaire, la note correspond à une appréciation qui est loin de refléter l’esprit de bienveillance des promoteurs de la suppression des notes ! Le prof est noté en fonction de critères qui ne sont ni palpables ni mesurables comme dans le secondaire. Révolutionner la manière d’appréhender la qualité d’un travail devra passer par l’introspection des inspections. Le terme même d’inspecteur fut d’abord utilisé dans son sens premier, celui qui scrute le cœur comme aimait à le décrire saint augustin pour se recentrer sur ses missions actuelles, beaucoup moins romantiques, une personne chargée d’un contrôle déterminé.
La notation a une vertu contagieuse dans l’éducation nationale et comme pour les élèves, le professeur mal noté a peu de chance de voir sa situation s’améliorer, il sera parfois stigmatisé. La note que l’on met à un élève comme à un professeur à ceci de paradoxal qu’elle enferme le sujet dans une catégorie. Le mauvais élève ou le mauvais prof.
La note n’a pas qu’un effet infantilisant, elle a un effet mémoire. Supprimer la note pour les élèves comme pour les enseignants aurait le mérite de ne pas figer les uns et les autres dans des catégories définitives.
Si l’on enlevait enfin l’esprit de compétition pour lui substituer un esprit de coopération, on obtiendrait des résultats plus expressifs et plus conformes à l’esprit de la République. L’évaluation à l’école primaire ne fait que renforcer les inégalités sociales. Les notes reflètent plus l’adhésion aux codes de la classe dominante que la réelle capacité de l’apprenant à s’approprier les savoirs.
La suppression des notes est un chantier qu’il faut mener à bien pour refondre l’esprit d’entreprendre pour le bien commun. Enseigner demain, c’est favoriser l’intelligence collaborative et revenir à une mesure à taille humaine de l’instruction.
Igor Deperraz